Le Ryōan-ji (Le Temple du Dragon paisible) a été fondé au 15ème siècle à Kyoto au Japon.
Il est célèbre pour son jardin de pierre (karesansui) qui est considéré comme un des chefs-d’œuvre de la culture zen japonaise. L’histoire de ce dernier reste mystérieuse voire légendaire, on ne connait ni sa date de création, ni son architecte, ni son apparence originelle.
Coïncidence amusante, au moment où j’écris cet article, je l’ai visité il y a un an jour pour jour, le 24 octobre 2014…
Il mesure trente mètres d’est en ouest et dix mètres du nord au sud. Au nord il est bordé par la véranda du hojo (la chambre de l’abbé). Le jardin fut d’ailleurs créé en concevant la vue à partir de cette véranda, où les moines zen méditaient en l’observant.
Quinze pierres, entourées de mousse, y sont disposées en groupes, d’est en ouest, de cinq, de deux, de trois, de deux puis de trois.
Si de nombreux karesansui utilisent des pierres aux formes spéciales, celles du Ryōan-ji sont d’une simplicité stupéfiante, et c’est dans la composition et le travail sur le vide et l’espace que s’est portée l’attention du concepteur.
Depuis plusieurs siècles, les érudits débattent de la signification du jardin du Ryoan-ji.
Un des mystères de son karesansui est le fait que quel que soit l’endroit où vous vous tenez il est impossible de voir l’ensemble des rochers. On ne peut en voir au maximum que quatorze à la fois…
Une des interprétations est que seul celui qui a atteint l’illumination peut voir le dernier rocher invisible. 15 étant le chiffre de la complétude dans le monde bouddhiste…
Quoiqu’il en soit, j’ai rarement vu un minimalisme aussi impressionnant, démontrant de la plus belle des manières qu’il n’y a pas que le colossal (comme les pyramides d’Egypte par exemple) qui interpelle…
Sur place, il m’est apparu comme l’illustration parfaite de l’incomplétude de notre existence à un certain niveau (au sol, quelque soit notre position et nos efforts il n’est pas possible de voir les 15 pierres).
Un objectif pourrait donc être de s’élever, seul moyen de voir toutes les pierres. Les choses ne changent pas, c’est notre point de vue qui s’est modifié, comme lorsqu’on regarde une ville du dessus au décollage d’un avion, notre compréhension de cette ville s’approfondit nettement, mais cette dernière n’a pas changée…
Mais alors qu’est ce qui s’élève et au-dessus de quoi ?
L’expérience vécue au Ryōan-ji est sans doute un début de réponse.
En effet, le karesansui du Ryōan-ji est un lieu magique. A mesure que le temps passe, on se retrouve absorbé hors du temps dans un état contemplatif. La quiétude qui naît de l’observation de ces quelques rochers est palpable.
Il y a quelque chose qui s’élève au-delà des pensées, qui prend de la distance par rapport à elle, c’est le cœur de la méditation (« gom » en tibétain = se familiariser avec sa véritable nature).
J’existe (en tout cas quelque chose existe avec certitude) au-delà d’elles…
Et de fait, les sentiments et les émotions que font naître ces pierres sont doux et paisibles, que l’on s’y attache ou que l’on arrive à les laisser passer comme le veut le Zen.
C’est pour moi l’art véritable, celui qui élève…
De retour au niveau des pensées, en partant du Ryoan-ji, je n’ai pas pu m’empêcher de songer à Kurt Gödel et son théorème d’incomplétude, mais ce sera le thème de mon prochain article 😉
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