D’innombrables relations humaines sont sources de problèmes, de douleurs voire de conflits. L’histoire des humains ressemble d’ailleurs à une suite assez rarement interrompue de guerres…
Et l’actualité récente en France avec ses attentats fournit un exemple frappant de ceux-ci.
Au-delà des émotions mêlées ressenties, compassion pour les victimes et leurs proches (au sens propre du mot : « souffrir avec ») et une certaine colère vis-à-vis des auteurs et surtout des instigateurs en ce qui me concerne, une question de fond émerge : quelle est la cause de ces conflits interminables dans les relations humaines ?
En réfléchissant un peu, nous pouvons constater que cette question touche tous les humains, de toutes les époques et de tous les pays. Elle n’est donc pas sans importance.
Comme toujours, il ne s’agit pas que je (ou n’importe quelle personne ou autorité) donne une réponse à accepter ou à rejeter.
Il s’agit pour chacun de chercher en lui-même, sans intermédiaire, sa réponse juste.
Car comme le remarque Etty Hillesum avec clarté : « Je ne crois pas que nous puissions corriger quoi que soit au monde extérieur que nous n’ayons d’abord corrigé en nous ».
Les mots ont leur sens propre, mais l’auteur, le contexte donne toute sa force aux citations. Etty, juive hollandaise, a écrit cela dans son journal intime à Auschwitz où elle fut tuée…
En clair, vouloir amener la paix, par exemple, n’est réellement possible que si j’ai cette paix ancrée en moi, les bonnes intentions ne suffisent pas en pratique.
Cette démarche n’est pas toujours aisée, car il est évidemment facile de rendre les autres responsables des problèmes : les noirs pour les blancs, les musulmans pour les catholiques, les riches pour les pauvres, les jeunes pour les vieux, et réciproquement… Les divisions sont infinies et de plus, elles peuvent se renforcer entre elles.
Se remettre en question soi-même demande plus d’efforts.
Il faut donc revenir à nous et échapper à notre impatience habituelle qui nous empêche d’avoir une compréhension profonde.
Et si on cherche à s’extraire de cette superficialité il semble bien qu’il y ait un déséquilibre, une dysharmonie, une inégalité dans toutes les relations humaines, à terme en tous cas…
Par exemple, une attirance physique va créer un attachement (j’aime une relation donc je veux qu’elle dure). L’attachement va à son tour créer inquiétude (et si elle ne dure pas…), peur (que vais-je faire sans) et pourquoi pas jalousie (elle est à moi et moi seul doit pouvoir en jouir)…
Or le petit monde de nos propres problèmes, une fois élargi, n’est pas différent du monde et de ses problèmes. La masse n’est qu’un concept utilisé par les politiciens, il s’agit d’un problème d’individus. C’est au niveau de chacun qu’une véritable révolution est possible, donc de nous-mêmes…
En surface, les causes des conflits sont innombrables (chacun peut faire l’interminable liste des causes des conflits auxquels il a été mêlé) : les tempéraments, les oppositions de sentiments, les croyances, les ambitions, le sexe…
On peut donc essayer de résoudre chacun des problèmes au fur et à mesure, mais votre propre expérience vous a montré que c’est difficile, épuisant et surtout cela ne tarie pas leur source…
N’y aurait-il pas une racine commune à toutes ces dysharmonies ?
Il nous faut comprendre comment nous fonctionnons dans une relation, tout le processus de notre pensée et de nos actions.
Une dualité, une séparation (moi – l’autre, moi – les autres, moi – le monde,) est toujours à la base d’un conflit. Il peut y avoir des conflits intérieurs, mais c’est quand même une sorte de séparation (moi – une autre partie de moi).
Ce sentiment d’être séparé, distinct de l’autre est une évidence. Mais l’évidence est-elle un critère de vérité ?
La terre est « évidemment » plate…
Nous sommes biologiquement différents, chaque corps est unique, mais il existe une impression profondément ancrée d’actions individuelles distinctes : je suis un individu, l’autre est individu et nous sommes des entités distinctes.
Chacun étant « programmé » différemment, va tenter de se réaliser à sa manière et donc la séparation est fondamentale. Entre les hommes et les femmes ou les riches et les pauvres par exemple…
Si nous avons été élevés en ce sens, chacun de nous part donc dès le départ dans une direction différente et la rencontre, à supposer qu’elle soit possible, va être problématique…
Nous pouvons nous demander si cette existence distincte est une réalité. Ou une illusion que j’ai nourrie, entretenue et à laquelle je me suis accroché, sans qu’elle soit valide.
Si c’est une illusion, la question devient, notre conscience peut-elle y échapper et comprendre notre véritable nature ?
Nous revenons à l’exercice de mon précédent article sur les pensées et le penseur. Il faut d’abord se comprendre, se connaitre soi-même…
Si vous approfondissez cette méditation, vous constaterez que votre véritable conscience n’est pas distincte de celle des autres. Votre conscience est celle du reste de l’humanité, c’est la même pour tous.
Si nous le réalisons en profondeur, ce n’est pas une information mentale, mais dans notre cœur, alors notre relation à l’autre change radicalement. C’est inévitable.
Le caractère illusoire de la personnalité étant réalisé, les relations changent, il ne s’agit plus de la rencontre de deux petites entités rigides.
Les énergies basses (colère, jalousie, haine) n’ont plus de point d’ancrage en nous, en d’autres termes, l’égo ne saisit plus les pensées conflictuelles.
C’est la sortie de la dualité. Les bouddhistes utilisent comme description de cet état le mot « Śūnyatā », « vacuité », que l’on peut plus précisément et joliment traduire par « apaisement de la multiplicité »…
Je laisse à nouveau la parole à Krishnamurti pour conclure :
« Lorsque vous vous dites Indien, Musulman, Chrétien, Européen, ou autre chose, vous êtes violents. Savez-vous pourquoi?
C’est parce que vous vous séparez du reste de l’humanité, et cette séparation due à vos croyances, à votre nationalité, à vos traditions, engendre la violence.
Celui qui cherche à comprendre la violence n’appartient à aucun pays, à aucune religion, à aucun parti politique, à aucun système particulier.
Ce qui lui importe c’est la compréhension totale de l’humanité. »
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